S’attaquer au trouble de consommation d’opioïdes en première ligne
« Un traitement fondé sur des données probantes peut améliorer la vie des personnes souffrant d’un trouble de consommation d’opioïdes. »
…ainsi commence un rapport préparé par le Centre canadien sur les dépendances et l'usage de substances (CCDUS) l’an dernier, qui documente les nombreuses pratiques exemplaires employées partout au pays pour gérer un problème de santé inexorablement lié à l’explosion des décès liés aux opioïdes.
L’Agence de la santé publique du Canada a estimé que 10 300 Canadiens sont morts de causes liées à la consommation d’opioïdes entre janvier 2016 et septembre 2018. Plus de 100 Ontariens meurent d’une surdose d’opioïdes chaque mois, et la crise ne connaît pas de ralentissement. Il est clair qu’il existe un consensus fondé sur des données probantes voulant qu’il est possible de faire plus et qu’il faut faire plus pour aider ceux qui travaillent en première ligne de notre système de soins de santé — cabinets de médecins de famille, cliniques dirigées par du personnel infirmier praticien et services des urgences, par exemple.
Dans son rapport, le CCDUS fait référence à la norme de qualité sur le trouble de consommation d’opioïdes élaborée par Qualité des services de santé Ontario pour aider les cliniciens et les patients à reconnaître ce à quoi ressemblent des soins de qualité dans la gestion du trouble de consommation d’opioïdes. La norme met en lumière des mesures que peuvent prendre les cliniciens pour améliorer le diagnostic, le traitement, la gestion des symptômes de sevrage et la réduction des méfaits.
L’aperçu national observe également que presque toutes les provinces, y compris l’Ontario, travaillent à améliorer la connaissance qu’ont les médecins de famille et le personnel infirmier praticien à propos d’une prescription appropriée d’opioïdes. Par exemple, un consortium de partenaires incluant six écoles de médecine de l’Ontario offre une série de cours en ligne à l’intention des médecins de soins primaires et du personnel infirmier praticien pour aider les patients souffrant d’un trouble de consommation d’opioïdes et pour les soigner convenablement.
D’autres programmes ontariens sont particulièrement axés sur l’impact dévastateur de ce problème sur les collectivités autochtones.
Pourtant, il est possible d’en faire plus pour outiller les fournisseurs de soins de santé de première ligne pour leur permettre de reconnaître un trouble de consommation d’opioïdes et de diriger les gens vers les interventions appropriées.
Par exemple, le personnel infirmier et les médecins des services des urgences doivent avoir de la buprénorphine ou de la naloxone à leur disposition afin de pouvoir l’offrir aux patients en sevrage des opioïdes, ainsi qu’aux patients qui désirent entamer un traitement par antagoniste des opioïdes à long terme. Ils ont besoin d’un accès simple à la naloxone et à du matériel éducatif que les patients peuvent rapporter à la maison.
Les médecins d’urgence, les médecins de soins primaires et le personnel infirmier ont aussi besoin d’avoir facilement accès à des spécialistes en toxicomanie. Le rapport du CCDUS mentionné plus haut observe que l’Ontario a créé des cliniques afin d’offrir un accès rapide à des traitements contre la toxicomanie. Ces cliniques existent maintenant partout dans la province (grâce à l’aide de Qualité des services de santé Ontario et d’autres) et permettent des aiguillages simples et rapides en provenance des soins primaires et des services des urgences.
Les spécialistes de ces cliniques peuvent également agir comme mentors auprès du médecin de famille du patient dans le traitement en cours du patient.
Et enfin, les médecins de famille et le personnel infirmier praticien qui fournissent des soins primaires tirent profit de services de mentorat ou de soutien lorsqu’ils commencent à prescrire des traitements par antagoniste des opioïdes (p. ex., méthadone ou buprénorphine) aux patients souffrant d’un trouble de consommation d’opioïdes. D’autres mesures pourraient être prises pour les soutenir, incluant les suivantes :
- Veiller à ce que les étudiants en médecine, les médecins résidents et les étudiants infirmiers praticiens apprennent comment reconnaître et soigner les patients souffrant d’un trouble de consommation d’opioïdes - en particulier pour les nouveaux cliniciens qui travailleront dans des contextes de soins primaires et de services des urgences. Il doit s’agir d’une compétence de base comme la capacité à gérer le diabète et ses complications.
- Offrir des mesures de soutien pour les équipes de soins primaires et les centres de santé communautaire (qui sont particulièrement bien adaptés pour gérer les patients souffrant d’un trouble de consommation d’opioïdes). Les programmes pourraient être axés sur la création d’une communauté de pratique au sein d’une équipe de soins ou d’un centre de santé communautaire composée de pharmaciens en formation, de travailleurs sociaux, de préposés au soutien pairs, de médecins de famille, de personnel infirmier et de personnel infirmier praticien. Ces services doivent également être mis à la disposition des patients de médecins de famille qui exercent à l’extérieur de ces modèles d’équipe.
- Mieux faire connaître la rémunération offerte aux médecins de famille qui offrent un traitement d’un trouble de consommation d’opioïdes. De nombreux médecins de famille ignorent encore qu’il existe des codes de facturation pour les médecins de famille qui prennent soin de personnes souffrant de toxicomanie, ce qui leur donne plus de temps pour offrir un traitement et un soutien.
Le défi que pose la crise des opioïdes est énorme et nécessite une solution multidimensionnelle, y compris s’attaquer aux enjeux sociétaires sous-jacents et aux déterminants sociaux de la santé. Entre temps, le système de soins de santé et ceux qui y travaillent ont leur rôle à jouer pour s’attaquer au trouble de consommation d’opioïdes en première ligne, et il faut en faire plus pour les outiller.
La Dre Sheryl Spithoff est médecin de famille et médecin spécialisée en traitement des dépendances à Toronto, et le Dr Irfan Dhalla est vice-président, Équipe d'analyses des données et des normes, Normes de qualité en santé.