ARTIC : L’innovation qui venait du froid
« Lorsqu’il s’agit de faire progresser les pratiques de soins avec efficacité, le Canada est un pays de projets pilotes perpétuels. Il est rare que des projets qui ont fait leurs preuves se transforment en programmes durables subventionnés, et il est rare que les résultats des projets pilotes soient partagés. C’est une façon de procéder qui n’aide en rien notre système de santé. »
Ces lignes ont été publiées par l’honorable Monique Bégin, et ses co-auteurs Laura Eggertson et Dr Noni Macdonald, il y a près de huit ans dans le Journal de l'Association médicale canadienne, alors que Mme Bégin était professeure émérite à l’École de gestion Telfer, Université d’Ottawa.
Cette incapacité du Canada de mettre à profit et de déployer les interventions médicales qui ont fait leurs preuves est un thème récurrent. Le Dr David Naylor y fait écho dans son rapport de 2015 sur l’innovation dans les soins de santé, dans lequel il disait que « les Canadiens qui travaillent dans tous les secteurs de la santé constatent que les innovations prouvées ne sont pas développées ou déployées à l’échelle du pays ».
Plus récemment, la question a été abordée par la Dre Danielle Martin dans son nouveau livre intitulé Better Now : Six Big Ideas to Improve Health Care for all Canadians. « Très peu de projets d’amélioration de la qualité sont mis en œuvre de façon durable et au-delà d’un service, écrit la Dre Martin, qui est médecin de famille. C’est un point sur lequel le système de santé canadien se bloque en permanence. »
La bonne nouvelle est que des mesures sont prises pour venir à bout du problème. ARTIC est un programme provincial dirigé par le Council of Academic Hospitals of Ontario (CAHO) de concert avec Qualité des services Ontario et financé par le ministère de la Santé et des Soins de longue durée.
Lancé en 2010 par le CAHO pour encourager la dissémination de bonnes idées à l’échelle du secteur de la recherche hospitalière, un partenariat a été établi avec Qualité des services Ontario en 2014 pour élargir cette initiative au-delà des hôpitaux. ARTIC fait partie des quelques programmes canadiens exclusivement centrés sur la mise en œuvre d’interventions fondées sur des données probantes dans plusieurs secteurs du système de santé.
ARTIC accomplit exactement ce que Monique Bégin, David Naylor, Danielle Martin et beaucoup d’autres préconisent pour favoriser la dissémination et la mise en œuvre à grande échelle des innovations médicales.
Depuis sa création, ARTIC a lancé un certain nombre de projets qui ont été mis en œuvre avec succès dans des centaines d’établissements de la province et ont eu un impact collectif sur plus de 18 000 patientes et patients.
Par exemple, ARTIC appuie un programme qui permet aux personnes atteintes de dépression clinique grave et ayant une dépendance à l’alcool d’accéder à un cheminement de soins intégrés axés sur la personne et fondé sur des données probantes, tandis qu’un autre programme intègre le traitement de la dépendance à l’alcool ou aux opioïdes prodigué par les urgentistes, les médecins qui soignent les dépendances et les fournisseurs de soins primaires.
Cette semaine, nous avons le plaisir d’annoncer le dernier projet financé par ARTIC : la mise sur pied de cliniques de la mémoire en soins primaires dans 14 localités rurales, isolées et mal desservies de la province.
Ce programme innovateur offre une formation qui permet aux équipes de médecine familiale de traiter directement les personnes atteintes de troubles de la mémoire et de démence. Déjà mis en œuvre dans 85 cliniques de la province, le modèle a permis de réduire le recours aux consultations de spécialiste. Alors qu’auparavant jusqu’à 80 % des personnes atteintes de troubles de la mémoire voyaient un spécialiste, elles sont aujourd’hui moins de 10 % à le faire et, en plus, les expériences des patients et des aidants se sont améliorées.
Pour Qualité des services Ontario, il faut continuer ce partenariat avec le CAHO pour appuyer un modèle qui détruit un mythe dont le système de santé canadien ne peut se défaire : son incapacité à transformer des projets pilotes en changements à l’échelle du système.